Lézard moniteur sans oreilles, gecko des grottes… Plusieurs milliers d’espèces de reptiles, capturées dans la nature pour être commercialisées, échappent à la réglementation internationale, selon une étude qui s’alarme de cette nouvelle menace sur la biodiversité.
Environ 35% des espèces de reptiles (soit près de 4.000, essentiellement sauvages) sont vendues en ligne à travers la planète, souvent comme animaux de compagnie. Mais les trois-quarts d’entre elles ne sont pas soumises à la réglementation de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), révèle cette étude publiée mardi dans Nature Communications.
Cette convention, signée en 1975, vise à contrôler le commerce international de centaines de millions de spécimens de plantes et d’animaux sauvages, afin que ce trafic ne menace pas leur survie. Elle s’appuie sur une liste, régulièrement mise à jour, qui limite la commercialisation des espèces en fonction de leur durabilité.
Des spécialistes des reptiles ont épluché les sites privés de vente entre 2000 et 2019 (25.000 pages web), et combiné ces résultats avec des bases de données internationales, dont celle de la CITES.
Leurs travaux ont révélé un commerce de reptiles en légère hausse sur cette période, avec de nouvelles espèces apparaissant chaque année. Or beaucoup d’entre elles « sont encore inconnues, en particulier les petits animaux, ou ceux qui se trouvent dans des endroits inaccessibles, comme le gecko des grottes au Vietnam, ou le lézard moniteur sans oreilles à Bornéo », explique à l’AFP Alice Hugues, auteure principale de l’étude.
Il s’agit de spécimens attrayants et à population souvent limitée. Une fois collectés, ils sont vendus rapidement : « des forums encouragent les gens à les acheter maintenant, avant qu’ils ne soient répertoriés par la CITES », poursuit cette biologiste à l’Académie chinoise des sciences.
« Il y a un délai entre la commercialisation des espèces et leur description scientifique, qui est un processus difficile », souligne-t-elle.
Résultat : un trafic intensif mais légal, qui échappe à la protection internationale dont certaines espèces auraient besoin. Beaucoup sont en effet considérées comme menacées ou vulnérables, car peuplant des zones géographiques très limitées, pointe l’étude, qui cite en exemple la tortue mouchetée d’Afrique du Sud ou le caméléon-tigre des Seychelles.
Les chercheurs ont identifié l’Asie du Sud-Est, notamment le Vietnam, comme étant une source majeure de ce trafic, avec l’Europe et l’Amérique du Nord comme principaux marchés.
« Les reptiles sont devenus un animal de compagnie idéal pour les citadins : ils demandent beaucoup moins d’entretien et d’espace qu’un chien ou un chat. Il y a aussi un côté cool, une recherche de la nouveauté avec des espèces colorées ou inhabituelles », analyse la chercheuse.
L’étude suggère « d’inverser le statu quo », c’est-à-dire que seules les espèces répertoriées par la CITES puissent être commercialisées, en exigeant a priori des preuves de durabilité.
©AFP
SOURCE : GOOD PLANET